Sunday, July 10, 2005

Quelques connaissances préalables seront nécessaires au lecteur avant de commencer à regarder ce site en détail.
Les quatre points qui suivent sont essentiels et résumés.

Presse en Alsace et SNN (Straßburger Neueste Nachrichten)

Le support de propagande n’est pas accessoire. Il contraint les contenus du discours et commande les usages que l’on peut en faire. Le mode de transport, la censure et la réception conditionnent aussi le texte[1]. La presse reprend son activité avec de profondes modifications. Seuls trois quotidiens subsistent dont les Neuesten Nachrichten (Dernières Nouvelles de Strasbourg)[2]. Ils sont rédigés par des Allemands ou par des Alsaciens fanatiques. Les articles de fond (politique etc…) sont identiques, les instructions arrivent du Bureau de la presse, à Berlin, organe du ministère du docteur Goebbels. En Alsace, on peut lire toute la presse imprimée en Allemagne. Tous les journaux sous influence allemande sont mis en évidence dans les kiosques[3]. Ceci souligne aussi la part importante de la langue en provenance du Reich au sein même du discours alsacien.
[1] Dominique Maingenau, Analyser les textes de communication, p. 53 à 59
[2] P. Rigoulot, L’Alsace-Lorraine pendant la guerre 1939-1945, p. 35.
[3] Henri Amouroux, La France contemporaine, p. 607

Culture germanique

Une touche culturelle confère à la propagande une crédibilité indéniable. C’est l’occasion pour le régime de s’insérer dans une tradition prestigieuse[2] et d’acquérir des titres de noblesse au travers les faux semblants d’une continuité factice. Valable en Allemagne nazie, cet aspect sera repris en Alsace. Contrairement à la France, l’Alsace possède une origine partiellement germanique. La propagande allemande s’appliquera donc à relever les analogies culturelles pour justifier le rapprochement qu’elle souhaite entreprendre. D’un autre côté, on assiste à un « grand nettoyage » de tout ce qui est Français et dès le mois de juillet doivent disparaître tous les indices pouvant rappeler l’ancienne patrie[3]. La culture, pilier de l’idéologie nazie, permet d’atteindre un public insensible à la propagande politique. Cette dernière se dissimule derrière une sorte de façade esthétique colorée et opaque destinée à camoufler la véritable nature du fascisme (répression et horreur). Servant de religion de substitution, elle amène les gens à s’enthousiasmer par le biais d’un vocabulaire spécifique, attirant voire spirituel[4]. Ce n’est pas une avancée culturelle que prône le Reich mais plutôt un retour aux sources. Le caractère mythologique de la langue le souligne d’ailleurs. Un autre caractère du discours nazi le confirme. En laissant resurgir librement les pulsions humaines les plus brutes, la propagande essaie de faire régresser l’homme vers une étape historique inférieure. Bien qu’il y ait beaucoup de références à la mythologie germanique dans le discours étudié, nous allons plutôt nous attacher à décrire dans ce mémoire l’aspect culturel que représente le « corporatisme ».
[1] Saisons d’Alsace, 1943 La Guerre Totale, p. 91 à 98.
[2] Hildegard Châtellier et Monique Mombert, La presse en Alsace au XX siècle, p. 312.
[3] Henri Amouroux, La France contemporaine, p. 605.
[4] Saisons d’Alsace, 1943, La Guerre Totale, p. 99.

Géographie

Penchons nous sur le problème de la « nationalité » qui est particulier aux Alsaciens. Cette population atypique reste toujours légalement française mais de nature « germanique ». Son territoire, annexé de fait mais non sur le plan juridique[2], est considéré comme une « annexe » du Reich. Plus tard, elle serra rattachée au Gau de Bade. Inapte à une intégration immédiate au Reich, elle subit en attendant depuis juillet 1940, un processus de « nivellement » : Gleichschaltung[3] pour obtenir la « nationalité allemande ». Cette expression revêt durant cette période fasciste un sens plus spécifique que d’accoutumée, en effet la population alsacienne va devoir être capable de répondre aux critères de sélection racistes et politiques nazis.
Das Problem der Staatsangehörigkeit ist ein besonderes im Elsass. Dieses Volk bleibt immer "französisch", was das Recht betrifft, ist aber germansicher Abstammung. In der Tat gehört das Gebiet zum Reich, war aber nie schriftlich festgehalten worden. Das Gebiet wird als Anhängsel des Reiches betrachtet. Später wird es an der Baden-Gau gebunden. Es kann nicht sofort ins Reich integriert werden und wird ab JUli 1940 gleichgeschaltet, mit dem Ziel später die "deutsche Staatsangehörigkeit" zu bekommen. Das bedeutet während dieser faschistischer Zeit etwas besonderes. Die elsässische Bevökerung wird tatsächlich den rassistischen und nazistischen Kriterien angepasst.
[1] Saisons d’Alsace, 1943 La Guerre Totale, p. 111.
[2] Rigoulot Pierre, L’Alsace-Lorraine, p. 23.
[3] Saisons d’Alsace, 1942 l’Incorporation de force, p. 5.

Histoire

En 1939, c’est l’évacuation des Alsaciens en territoire libre après l’arrivée des Allemands. En 1940, il y a la débâcle. Dans la semaine du 16 au 21 juin, l’Alsace est occupée par les Allemands. Pour l’administrer, on nomme Wagner qui s’occupait déjà du pays de Bade depuis 1933. Un Hilfsdienst (service de secours alsacien) est créé le 21 juin par Robert Ernst dans le but de faire une propagande très active en faveur du retour de l’Alsace dans le giron du Reich. L’Occupant récupère les germanophiles alsaciens notoires, emprisonnés par les Français, afin d’en faire des Kreisleiter (fonctionnaires) ou des propagandistes pour préparer la voie au nazisme. Tous les fonctionnaires sont soit remplacés soit soumis à la contrainte d’accepter de signer leur adhésion au Troisième Reich sous peine d’être expulsés. Dès le mois d’août l’annexion de fait est réalisée : l’Alsace est rattachée au Gau de Bade et passe sous l’autorité de Wagner. Des expulsions massives se déroulent à partir du mois d’août jusqu’au mois de décembre 1940. Dès le mois de septembre 1940, un « camp de sûreté » de Schirmeck-Labroque Sicherungslager Vorbrück est mis en place. Sur un plan économique, le taux de change proposé par les vainqueurs entraîne l’effondrement économique de l’Alsace[2]. Fin 1940, l’Occupant nazi considère être désormais face à une population « naturellement » favorable à l’idéologie nazie. En 1941, une « mise au pas » très rapide et une germanisation brutale (déjà commencée dès juillet 1940) ont lieu. Les deux évènements principaux sont les suivants : d’abord l’application du service du travail obligatoire le 23 avril puis le 21 mai, l’ouverture du camp de Struthof[3]. En octobre, la première grande campagne de recrutement de volontaires est lancée et les résultats s’avèrent décevants en décembre 1941. En 1942, dès le 22 janvier, les Allemands connaissent leurs premières difficultés sur le front russe pour finir encerclés à Stalingrad le 22 décembre. Pendant le mois d’avril, la collaboration franco-allemande bat son plein. En Alsace, l’incorporation de force c’est-à-dire le service militaire obligatoire est instauré par une ordonnance de Wagner le 25 août. Les Alsaciens la considère comme l’événement le plus dramatique de cette période. Le problème de la nationalité, qui faisait obstacle jusqu’à présent à l’application du service militaire, est réglé par la même occasion le 23 août avec la version définitive de l’ordonnance sur la citoyenneté en Alsace. Cette dernière est accordée à ceux qui ont été appelés à servir dans la Wehrmacht et Waffen-SS et à ceux qui ont fait leurs preuves. En 1943, Hitler déclare la Guerre Totale dès le 13 janvier. Sur le plan militaire, la situation reste bien sombre. Le 31 janvier, on assiste à la reddition des Allemands à Stalingrad et, le 30 décembre, l’armée est en déroute en Ukraine. Pendant ce temps les villes allemandes subissent de nombreux bombardements par les Alliés. Le 28 janvier de la même année les hommes et les femmes sont tous mobilisés en Alsace. Parce que l’ordonnance sur la nationalité rend la situation difficile dans certains cas, le Ministre de l’Intérieur du Reich décide d’accorder la citoyenneté à titre révocable à tous les Alsaciens à compter du 1er août. En octobre, des mesures sont prises contre les « insoumis ». En 1944, le 9 mai 1944, les forces allemandes situées en France sont bombardées. Au mois de septembre, le 2, les détenus du camp de Struthof sont massacrés.
[1] Saisons d’Alsace, 1942 l’Incorporation de force, p. 5.
[2] Rigoulot Pierre, l’Alsace-Lorraine pendant la guerre 1939-1945, p. 41.
[3] Saisons d’Alsace, 1943 La Guerre Totale, p. 36.